“Comment lutter contre une dictature” par Le 1 des libraires
Illustration de Maxime Mouysset.
Comment lutter contre une dictature par Le 1 des libraires
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Ça parle de quoi ? Le dernier numéro du journal Le 1 des libraires apporte des éléments de réponse à la question : comment lutter contre une dictature ? à travers le prisme de la littérature grâce aux regards éclairants d’auteur·ices engagé·es, engageant·es, et à la plume d’écrivain·es dont les œuvres littéraires sont autant d’outils de lutte.
On trouve quoi dans ce journal ? Un extrait de 1984 de George Orwell + un poster de 1984 de George Orwell + des interviews de Lauren Groff, André Markowicz, Delphine Minoui et Paul Lynch + une nouvelle de Primo Levi + des illustrations et dessins de Vincent Perriot, Maxime Mouysset, Candice Roger, Simon Bailly, Marco Galli et Jochen Gerner + des textes qui donnent la pêche.
Illustrations de Maxime Mouysset et Vincent Perriot.
Extraits choisis
« En dictature, un livre peut tout remettre en cause. Il peut allumer une mèche lente qui, à force, et avec d’autres facteurs qui seront tout sauf littéraires, pourra faire exploser le monstre. »
(André Markowicz, entretien avec Lou Héliot)
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« Ainsi que l’ont bien compris les dictateurs au cours des siècles, on domine plus facilement une population analphabète ; puisqu’on ne peut désapprendre l’art de lire une fois qu’il est acquis, reste à en limiter la portée. C’est pourquoi, plus que toute autre création humaine, le livre est le fléau des dictatures. »
(Alberto Manguel, La Bibliothèque la nuit, Actes Sud, 2006)
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« Les librairies sont des espaces historiquement révolutionnaires. Ce sont des lieux qui font le lien entre les communautés, qui offrent un endroit, physique, protégé, pour se retrouver et échanger. L’objet livre, la physicalité du papier est, elle aussi, profondément révolutionnaire : il ne laisse pas de trace, ne peut être suivi, traqué, même à l’heure de la technologie. Il peut être échangé, donné, partagé, diffusé à grande échelle, sans trop de coûts. »
(Lauren Groff, entretien avec Lou Héliot)
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« Qu’ont donc les dictatures à redouter les livres ? Leur silence, peut-être. Leur lenteur. Leur manière de faire germer, mot à mot, des pensées que rien ne contrôle. Face à l’uniformisation, à la surveillance, à l’effacement des voix singulières, la littérature demeure cet espace de trouble et d’insoumission. »
(Édito de Julien Bisson)
Illustrations de Candice Roger, Simon Bailly et Vincent Perriot. Photographie © Giovanni Giovannetti.
Qu’est-ce que j’en pense ?
Le 1 hebdo est un journal hebdomadaire français créé en 2014. Il a un format un peu particulier – il est composé d’une seule feuille de papier dépliable – et une approche de l’actualité tout aussi particulière : il ne traite que d’une seule grande question ( « À qui appartient la nature ? », n°534 ; « Comment empêcher les hommes de violer ? », n°516 ; « La France est-elle encore un pays colonial ? », n°542 ; « Faut-il dissoudre Macron ? », n°501 ; « Taxer les riches ? », n°514) qui est abordée par des écrivain·es, des philosophes, des chercheur·euses et tout un tas d’autres gens qui ont des choses intéressantes, pertinentes et constructives à dire sur le sujet. Le 1 des libraires est le pendant littéraires du 1 hebdo : même format pliable (et super pratique à glisser dans son sac à dos / à main / de plage), il discute d’un sujet à travers la littérature – ce que des auteur·ices ont écrit sur ce sujet, ce que des écrivain·es ont pensé de ce sujet, comment des hommes et des femmes de lettres ont agi à ce sujet. Ce premier feuillet « actualité » s’augmente d’un deuxième qui prolonge la réflexion en décortiquant une œuvre exemplaire et qui constitue la « Bibliothèque Idéale » du journal : Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry pour répondre à la question « Faut-il croire aux contes de fées ? », Orgueil et préjugés de Jane Austen dans le numéro consacré à « Écrire l’amour », Mrs Dalloway de Virginia Woolf et son « Voyage au bout de la folie ». Autant de numéros riches et originaux d’un journal intelligent, qui invite son lectorat à poser un œil neuf et curieux sur le monde qui l’entoure.
Dans son dernier numéro, Le 1 des libraires s’attaque à une question ô combien d’actualité et ô combien épineuse : comment lutter contre une dictature ? Enrichi en seconde feuille d’une étude approfondie (grâce à Kamel Daoud et Cynthia Fleury-Perkins) et d’un long extrait de 1984 de George Orwell (et d’un immense poster signé Vincent Perriot à accrocher au-dessus de son lit), ce petit journal de l’été nous invite à penser le domaine de la lutte et nos possibilités d’action avec les auteur·ices Lauren Groff (qui a ouvert une librairie en Floride), Paul Lynch (qui a écrit un roman sur une Irlande totalitaire), André Markowicz (qui a traduit tout une flopée d’auteurs russes et qui, donc, en connaît un rayon sur la censure littéraire) et Delphine Minoui (qui a reconstruit une bibliothèque en Syrie). De plus, une nouvelle de Primo Levi (intitulée Le roi des Juifs) est intégralement reproduite dans le feuillet central, et lire (ou relire) Primo Levi c’est toujours très précieux. Enfin, le journal est riche de recommandations (une liste de plus de vingt livres à mettre sur nos rayonnages pour nous accompagner dans le combat) (tout pareil que liste de résistance !) et les regards éclairants des auteur·ices qui le composent permettent de retrouver du courage dans ces temps troublés.
Alors : comment la littérature nous permet-elle de lutter contre une dictature ? C’est très simple : il faut aller en librairie (ça marche aussi avec les bibliothèques) (ou des clubs de lecture qu’on se serait créés soi-même) ; circuler dans ces espaces de réflexion et de curiosité ; lire, lire, lire ; discuter de ce que l’on a lu ; réfléchir à ce que l’on a débattu ; lire encore, lire toujours ; écrire, pourquoi pas, pour prolonger la lecture. Bref, dans le combat contre le totalitarisme, le livre est notre meilleur et plus fidèle allié car, comme le dit André Markowicz : « Une dictature, quelle qu’elle soit, a pour ennemi suprême la solitude – la solitude choisie, celle qui fait qu’on est, et pas seulement qu’on est avec. Quand on lit, on est seul. On est présent à la plus profonde expression de soi-même. La littérature est le lieu de la solitude et du doute, qui est la condition de la pensée. » Lire, c’est penser seul·e. Penser seul·e, c’est être libre. Alors, pour faire la révolution et entrer en résistance, rendez-vous en librairies et faites-vous des cartes de bibliothèques !
Comment se procurer ce journal ? En kiosque, en librairie (liste des libraires en France) et sur le site du 1 hebdo pour 5,90 €.
La fiche d’identité du journal : Comment lutter contre une dictature par Le 1 des libraires, été 2025, 2 feuilles dépliables en papier recyclé.